Historique

Au début du XXe siècle, la science politique au Canada français est un champ de spécialisation peu développé. Enchâssée au sein des études de sociologie, elle souffre d’un manque d’indépendance qui freine son essor et la mise en place de traditions de recherche spécifiques à la discipline. Ainsi, à la fin des années cinquante, on ne compte qu’une dizaine de politicologues francophones enseignant cette discipline au sein des départements de science politique des universités canadiennes de langue française. Ce n’est qu’au début des années soixante qu’un noyau de professeurs entreprend de faire un premier état de la situation. À cet égard, M. Louis Sabourin fait figure de pionnier. En 1961, dans le cadre du 29e Congrès de l’Association canadienne française pour l’avancement des sciences (ACFAS), il présente une communication intitulée « L’enseignement de la science politique au Canada français ». Cette communication conduira à la constitution du Groupe de science politique du Canada français dont la mission consistera à produire annuellement un rapport sur l’état de l’enseignement de la discipline dans les institutions collégiales et universitaires de langue française.

Les deux premières années du Groupe verront à sa tête M. Paul Painchaud, qui en assume la coordination jusqu’en 1963. Les membres se réunissent alors annuellement, à l’occasion du congrès de l’ACFAS, qui depuis 1962 promouvoit une section destinée spécifiquement à la science politique. Les politologues n’ont ainsi plus à exposer leurs recherches dans le cadre des présentations de sociologues. Doté d’une mission de promotion du développement de la recherche et de l’enseignement de la science politique, le Groupe publiera deux rapports qui témoignent de l’évolution rapide de l’intérêt pour la discipline.

Au printemps de 1963 un projet de constitution est rédigé par certains membres dans le but de transformer le « groupe » en une « véritable société scientifique à laquelle pourraient adhérer non seulement les politologues québécois et canadien-français des autres provinces mais tous les spécialistes de science politique qui accepteraient de reconnaître le caractère francophone de la société » (Sabourin, 1968). La Constitution approuvée, la Société canadienne de science politique (SCSP) est ainsi fondée le 2 novembre 1963. Le professeur Léon Dion en devient le premier président.

La science politique connaît des progrès importants au cours des cinq premières années d’existence de la SCSP. Bien que ces succès ne soient pas le résultat exclusif des activités de la Société, celle-ci joue un rôle central dans ce qui est d’assurer un dialogue entre les politologues aussi bien au Canada français qu’au Canada anglais. Les colloques annuels qu’elle organise deviennent rapidement un lieu d’échange d’importance. La SCSP devient membre-associé de l’Association internationale de science politique (AISP/IPSA) en 1964, et en 1966, elle entame un rapprochement avec l’Association canadienne de science politique (ACSP/CPSA). Ce rapprochement se concrétise par une alliance formelle mais non fusionnelle des deux organismes, et par la publication conjointe de la Revue canadienne de science politique, dont le premier numéro paraît en février 1968.

Vers la fin des années soixante-dix, le Québec est en pleine ébullition nationaliste. Le Parti québécois de René Lévesque prend le pouvoir à l’Assemblée nationale, et l’appel à un référendum sur une éventuelle indépendance du Québec émousse les esprits de l’époque. Bien que non engagée dans les débats politiques partisans, la SCSP n’échappe pas aux remous de cette période. Ses dirigeants, notamment Paul Painchaud et Denis Monière, commencent ainsi à questionner la dénomination de la Société, en insistant sur le besoin de mettre de l’avant la particularité « québécoise » du regroupement. C’est au cours de l’Assemblée générale du 10 mai 1979 que l’on propose d’amender la Constitution de la Société afin de changer son nom pour Société québécoise de science politique (SQSP). On mandate alors le professeur André Bernard de présenter un rapport, en collaboration avec Édouard Cloutier, exposant les implications d’un éventuel changement de patronyme. Sur un vote de l’Assemblée générale, le nouveau nom de Société québécoise de science politique est adopté.

Ce changement ne se fera pas sans heurts. L’affiliation identitaire que projette le nouveau nom de la Société -sans oublier la conjoncture de cette période- ébranle les francophones d’ailleurs au Canada qui se sentent abandonnés par cette prise de position. Du côté anglophone, on garde un goût amer de ce que l’on considère être un nouvel affront des nationalistes québécois à l’égard du Canada anglais. Cela, sans compter le blâme de certains membres critiquant la Société de dériver de sa Constitution et de sa mission première en prenant position sur la question constitutionnelle canadienne. Des efforts sont cependant entrepris pour diluer les effets négatifs engendrés par ce changement de nom, et la coopération entre la Société et les autres politologues du Canada – principalement à travers l’Association canadienne de science politique- est maintenue au même niveau qu’auparavant. On cherche notamment à démontrer que par l’entremise d’un nouveau nom, le but de la Société est surtout de lui donner un nouveau statut permettant un positionnement plus stratégique et plus fort.

Au cours de la même période sont entamées des discussions en vue de mettre sur pied une revue scientifique publiée par la SQSP. Ainsi, le 25 février 1982 est lancé le premier numéro de la revue Politique. Une telle publication permet non seulement à la Société de connaître une plus grande notoriété au sein des milieux de recherche francophones de la science politique, mais elle permet avant tout aux politologues de langue française du Canada de jouir d’une tribune qui leur est propre. Connaissant un succès dès ses premières années, la revue devient rapidement une publication reconnue au sein de la discipline. Le début des années quatre-vingt dix marque un tournant pour Politique qui, en 1994, change de nom et de format. La revue Politique et Sociétés s’établit ainsi depuis ce jour comme la revue phare de la SQSP.

Jusqu’à ce jour, la SQSP est avant tout engagée dans la promotion de l’avancement de la recherche et de l’enseignement en science politique, et le soutien à la diffusion des connaissances sur les phénomènes politiques. Ses activités incluent la publication de la revue Politique et Sociétés et l’organisation de nombreuses rencontres nationales et internationales, dont son congrès annuel et le Colloque de la recherche étudiante en science politique (CRESP) ainsi que de divers autres événements ponctuels (conférences, tables rondes). En 2000, la SQSP reçoit le mandat d’être l’hôte du XVIIIe Congrès mondial de l’Association internationale de science politique à Québec.

En 2002, la SQSP décerne pour la première fois le prix Léon Dion – en l’honneur de son premier président- au meilleur texte de l’année publié dans la revue Politique et Sociétés. L’année 2004 marquera un effort supplémentaire afin de mieux intégrer les professeurs de science politique du milieu collégial, tandis que l’année 2008 verra la première attribution du Prix d’excellence de la Société québécoise de science politiqueau professeur Alain G. Gagnon de l’Université du Québec à Montréal.

– Texte rédigé par Mme Élaine Dupré