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Si l’opposition entre krisis et stasis existe depuis la Grèce antique[i], observateur·rices de la vie politique et activistes constatent des perturbations qui rompent avec une certaine stabilité autour du consensus néolibéral qui s’était installé depuis les années 1980[ii]. En qualifiant ces perturbations de « crises », elles deviennent alors un phénomène politique, suscitant un certain type de réponse collective[iii]. Que ce soit dans le champ de la théorie politique[iv], de la sociologie politique[v], de la politique comparée[vi], des politiques publiques[vii] ou encore des relations internationales[viii], différent·es chercheur·es s’appliquent à analyser ces crises, qui traversent les champs politique et médiatique, mais aussi universitaire.
L’intérêt pour la crise n’est pourtant pas nouveau[ix], mais il semble avoir été renouvelé après celle qui a touché l’économie mondiale en 2008. Aujourd’hui, un duel nait de cette instabilité qui ébranle les régimes libéraux. Une « gauche » pointe les éléments intrinsèques au capitalisme[x], alors qu’une « droite » accuse le « wokisme » de l’alimenter[xi]. En outre, le retour de « l’extrême droite » sur le devant de la scène politique, voire au pouvoir dans certains pays, est souvent interprété comme un symptôme d’une crise des régimes libéraux[xii] ; un autre symptôme étant leur inaptitude à répondre aux crises, qu’elles soient pandémiques[xiii] ou climatiques[xiv].
Mais les crises voyagent d’un champ à l’autre. #MeToo a ainsi accéléré la lutte contre les violences sexistes et sexuelles à l’université[xv]. La guerre à Gaza a suscité quant à elle des mobilisations sur les campus universitaires[xvi], entrainant des prises de position institutionnelles de la part des directions d’université. Inversement, la sortie de concepts étudiés à l’université comme l’intersectionnalité, la race ou le genre suscitent des controverses médiatiques et politiques qui se sont parfois soldées par le verdict d’une université en état de crise[xvii].
Qu’il s’agisse d’un parallèle fortuit ou du reflet de ces crises, des lignes de fracture apparaissent au sein de la science politique. Des critiques émergent face à l’étude de nouveaux objets ou l’adoption de méthodes issues d’autres disciplines, au nom d’une démarcation claire entre les sciences sociales et les humanités, si celle-ci a déjà existé[xviii]. La théorie politique par exemple, objet d’attaques du courant positiviste de la discipline[xix], réaffirme depuis longtemps son engagement vis-à-vis de la « chose publique », dans la continuité de Machiavel, de Hobbes ou de Marx[xx].
En somme, la science politique se fait-elle le reflet des crises du champ politique et médiatique ? Comment la science politique s’empare-t-elle des multiples crises contemporaines ? Et au-delà des débats internes à la discipline, quelles analyses la science politique fait-elle de ces crises ? Dans quelle mesure l’instabilité politique contemporaine implique-t-elle de repenser l’analyse en science politique ?
Ce sont ces réflexions entourant crises et stabilité qui sont au cœur du colloque étudiant 2024 de la SQSP. Les propositions entourant l’existence de continuités, de ruptures autant dans le monde politique et social qu’en science politique sont les bienvenues, qu’elles soient d’ordre méthodologique, théorique ou empirique. Les travaux peuvent concerner des périodes historiques spécifiques comme des enjeux contemporains, ainsi que toutes les échelles – locales, régionales, nationales, internationales – et toutes les aires géographiques. Les propositions peuvent également provenir de tous les champs de la science politique et concerner notamment :
- Ruptures, crises, stabilité, continuité en économie politique, sur l’État, dans les systèmes partisans, dans la gouvernance, etc.
- Crises climatiques et environnementales
- Polarisation, radicalité
- Extrêmes comme position sur un spectre politique et « extrêmes » comme disqualification discursive de l’adversaire
- Populisme et mouvements sociaux
- Militantisme et recherche
- Interdisciplinarité et innovations méthodologiques
- Subalternité : genre, race, classe, queer, espèces, etc.
- Théories critiques
- Continuum démocratique
Vous voulez participer ?
Votre proposition de communication doit être soumise par courriel, à l’adresse suivante : colloqueetudiantsqsp@gmail.com, au plus tard le 22 octobre 2024.
Vous devez inclure les éléments suivants dans votre courriel :
- Prénom et nom, affiliation universitaire et adresse courriel
- Niveau de scolarité (et nom de votre direction, si applicable)
- Titre de la proposition
- Résumé de la proposition (250 mots maximum)
La participation au colloque est gratuite et un lunch sera offert.
Dates importantes :
- 22 octobre 2024 : Date limite pour soumettre une proposition
- 1er novembre 2024 : Réponse du comité scientifique
- 28 et 29 novembre 2024 : Colloque à l’Université du Québec à Montréal
Au plaisir de discuter avec vous à l’UQAM !
Les membres du comité scientifique :
- Janika Gilham-Leblanc
- Maxime Kertzinger
- Estelle Pouliot-Ménard
- Francis Therrien
[i] Dario Gentili, The Age of Precarity: Endless Crisis as an Art of Government (London: Verso, 2021).
[ii] Colin Crouch, The Strange Non-Death of Neoliberalism (Cambridge: Polity Press, 2011).
[iii] Saundra K. Schneider et Marty P. Jordan, « Political Science Research on Crises and Crisis Communications », dans The Handbook of International Crisis Communication Research, éd. par Andreas Schwarz, Matthew W. Seeger, et Claudia Auer (Malden, Ma: Wiley-Blackwell, 2016), 11‑23.
[iv] Terry Macdonald, « Reviving Democracy: Creating Patways out of Legitimacy Crises », European Journal of Political Theory 22, no 1 (2023): 181‑91, https://doi.org/10.1177/14748851211020625.
[v] Carolien Van Ham et al., éd., Myth and Reality of the Legitimacy Crisis: Explaining Trends and Cross-National Differences in Established Democracies (Oxford: Oxford University Press, 2017).
[vi] Alexander Weiss, « Comparative Democratic Theory », Democratic Theory 7, no 1 (2020): 27‑47, https://doi.org/10.3167/dt.2020.070102.
[vii] Adam Hannah, Erik Baekkeskov, et Tamara Tubakovic, « Ideas and Crisis in Policy and Administration: Existing Links and Research Frontiers », Public Administration 100, no 3 (2022): 571‑84, https://doi.org/10.1111/padm.12862.
[viii] Frédéric Ramel, « Nation désunies? La crise du multilatéralisme dans les relations internationales », Politique étrangère, no 2 (2022): 202‑3; Alexey Gromyko, « The Pandemic and the Crisis in the System of International Relations », dans Re-Globalization: New Frontiers of Political, Economic and Social Globalization, éd. par Roland Benedikter, Mirjam Gruber, et Ingrid Kofler (London: Routledge, 2022), 189‑201.
[ix] Jürgen Habermas, Legitimation Crisis, trad. par Thomas McCarthy (Boston: Beacon Press, 1975); Charles Taylor, « 10 – Legitimation Crisis? », dans Philosophical Papers, vol. 2 (Cambridge: Cambridge University Press, 1985), 248‑88; John Holloway et Sol Picciotto, « Capital, Crisis and the State », dans The State Debate, éd. par Simon Clarke (New York: Palgrave, 1991), 109‑41.
[x] Nancy Fraser et Rachel Jaeggi, Capitalism: A Conversation in Critical Theory (Cambridge: Polity Press, 2018).
[xi] Pierre Valentin, Comprendre la révolution woke (Paris: Gallimard, 2023).
[xii] Ben Whitham, « The Revolution of Values and the Crisis of Liberal Democracy », Global Political Economy 3, no 1 (2024): 152‑71, https://doi.org/10.1332/ONRF8537.
[xiii] Matthew Flinders, « Democracy and the Politics of Coronavirus: Trust, Blame and Understanding », Parliamentary Affairs 74, no 2 (2021): 483‑502, https://doi.org/10.1093/pa/gsaa013.
[xiv] Giuliana Viglione, « Climate Lawsuits Are Breaking New Legal Ground to Protect the Planet », Nature 579, no 7798 (2020): 184‑85, https://doi.org/10.1038/d41586-020-00175-5.
[xv] Armelle Andro, « Mind the Gap : avancées et résistances de la prise en charge des violences sexuelles et sexistes dans le monde académique (2002-2022) », Mouvements 113, no 1 (2023): 109‑18, https://doi.org/10.3917/mouv.113.0109.
[xvi] Amanda Taub, « Why Gaza Protests on U.S. College Campuses Have Become So Contagious », The New York Times, 26 avril 2024, sect. The Interpreter, https://www.nytimes.com/2024/04/26/world/europe/interpreter-gaza-college-protests.html.
[xvii] Francis Dupuis-Déri, Panique à l’université : Rectitude politique, wokes et autres menaces imaginaires (Montréal: Lux Éditeur, 2022); Éléonore Lépinard et Sarah Mazouz, Pour l’intersectionnalité (Paris: Anamosa, 2021).
[xviii] Andrew Rehfeld, « Offensive Political Theory », Perspectives on Politics 8, no 2 (2010): 465‑86, https://doi.org/10.1017/S1537592710001209; Brooke Ackerly et al., « Unearthing Grounded Normative Theory: Practices and Commitments of Empirical Research in Political Theory », Critical Review of International Social and Political Philosophy, 2021, 1‑28, https://doi.org/10.1080/13698230.2021.1894020; Sanford F. Schram, Bent Flyvbjerg, et Todd Landman, « Political Political Science: A Phronetic Approach », New Political Science 35, no 3 (2013): 359‑72, https://doi.org/10.1080/07393148.2013.813687.
[xix] Rehfeld, « Offensive Political Theory ».
[xx] John H. Schaar et Sheldon S. Wolin, « Essays on the Scientific Study of Politics: A Critique », The American Political Science Review 57, no 1 (1963): 125‑50.